À Montréal comme à Québec, les cyclistes contournent les obstacles sur les pistes


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le Réseau express vélo (REV) de Montréal connaît un achalandage record et, dans la ville de Québec, de plus en plus de pistes cyclables sont aménagées pour accommoder les cyclistes. Mais les conteneurs à vidanges, les camions, les voitures et autres obstacles sur les pistes peuvent constituer un frein à l'adoption de ce mode de déplacement.
Lorsque le temps est favorable, des milliers de cyclistes empruntent chaque jour la piste du boulevard De Maisonneuve, qui permet de relier les quartiers de l’ouest au centre-ville de Montréal.
La circulation est généralement fluide, mais jeudi et vendredi derniers, des gardiens de sécurité postés entre les rues de la Montagne et Bishops bloquaient les cyclistes, en exigeant qu’ils descendent de leur vélo et qu'ils passent à côté de la piste en marchant.
La raison: un concessionnaire automobile exposait une dizaine de véhicules, stationnés directement sur la piste, dans le cadre des festivités de la F1.
«Parker des voitures sur l’une des seules pistes cyclables est-ouest, c’est quand même insultant» a réagi Jacques Nacouzi, qui emprunte la piste cyclable du boulevard De Maisonneuve tous les jours de la semaine, été comme hiver, depuis sept ans pour se rendre au travail.
«On est encore considéré comme des cyclistes du dimanche qui peuvent juste changer de chemin», mais «cette piste est une piste utilitaire, c’est-à-dire que les gens ne l’utilisent pas pour se balader. Ils l’utilisent pour se rendre d’un point A à un point B, pour aller travailler.»
Le cycliste est un habitué des encombrements sur le réseau cyclable et souligne que pendant plusieurs années, des conteneurs à déchets occupaient la piste du boulevard De Maisonneuve, devant le métro McGill, en raison de la construction du REM et des travaux de la Société de transport de Montréal (STM), forçant ainsi les cyclistes à partager la route avec les voitures.
«Mais enfin! Ils l’ont libérée ce matin», s'est réjoui Jacques Nacouzi, vendredi midi, en soulignant qu’il n’a jamais vu autant de cyclistes dans les rues de la ville que dans la dernière semaine.
En effet, la grève des employés d’entretiens de la STM a poussé plusieurs milliers de Montréalais à se tourner vers le vélo.
Le service de vélopartage BIXI a attiré plus de 20 000 nouveaux abonnés et a établi un record d’achalandage mercredi avec 98 520 trajets.
Les compteurs que la Ville de Montréal a installés sur son réseau cyclable (REV) ont également battu des records avec 145 000 passages mercredi, soit 25 % de plus que la journée la plus achalandée en 2024.
Obstacles, inconfort et insécurité
Mais les chauffeurs de taxi qui utilisent les voies cyclables comme des postes d’attente - la piste devant le palais de justice de Montréal en est un bon exemple -, les camions de la voirie, les conteneurs à déchets provenant de travaux de construction sont autant d'obstacles qui peuvent non seulement freiner la motivation des nouveaux cyclistes, mais aussi les mettre à risque, selon Vélo Québec.
«Lorsqu’on impose des blocages aux cyclistes, on les expose à plus d'inconfort, à un sentiment d'insécurité», dans certains cas, «on les force à quitter la piste et aller dans la circulation avec les automobiles et ça, c’est déterminant dans l’adoption ou non du vélo», a expliqué Louis Lalonde, chargé de projet à Vélo Québec.
«Peu importe le moyen de transport, que ce soit en voiture, en vélo ou en transport collectif, ce qu’on veut, c’est de se déplacer de façon efficace, confortable et sécuritaire», a-t-il expliqué.
«Ça peut sembler anodin, mais si une seule petite portion de notre trajet n'est pas sécuritaire, ça met en péril l'ensemble du déplacement à vélo et on enlève alors une option de déplacement à des gens qui cherchent simplement à se rendre du point A au point B», a ajouté le porte-parole de Vélo Québec.
Louis Lalonde a souligné que l’espace réservé aux cyclistes ne représente que 1,7 % de la voirie à Montréal.
«Ce n’est pas beaucoup, mais ça permet de déplacer énormément de personnes.»
Stationner son véhicule sur une piste cyclable est illégal. Vélo Québec a tenu à rappeler que les citoyens qui observent des entraves dans les pistes réservées au vélo à Montréal peuvent communiquer avec l’Agence de mobilité durable.
Des enjeux semblables à Québec
La cohabitation vélos-autos est également un enjeu à Québec.
Sur les réseaux sociaux X et Bluesky, «Le marcheur de Québec», un compte anonyme, documente avec un humour souvent grinçant les enjeux de mobilité dans la Capitale-Nationale.
Ces messages, accompagnés de photos et de vidéos, portent souvent sur les infrastructures cyclables et, de façon plus générale, sur les imperfections d’une société organisée autour de la voiture.
La Presse Canadienne s’est entretenue, en ligne, avec «Le marcheur de Québec», qui a tenu à garder son anonymat.
«Ce qui m'irrite, c'est le réflexe, typique de notre civilisation automobile, selon lequel il faut absolument que la voiture soit stationnée devant l'endroit où l'on veut se rendre. Et si cela implique d'installer son véhicule en plein sur la voie cyclable, eh bien on le fait et on considère que c'est normal. Dans les faits, il y a toujours un stationnement tout proche, il suffit de marcher un tout petit peu. Mais la voiture rend paresseux en général», a-t-il observé.
«Souvent, ce n'est pas très grave, mais ça envoie le signal que l'axe cyclable n'est pas toujours très sûr, qu'il est là, mais qu'il est moyennement respecté» et «si on veut développer un bon réseau cyclable, qui encourage tout le monde à faire du vélo utilitaire, il faut que ce réseau soit en bon état et respecté. Il faut que les parents puissent se dire: mon enfant va utiliser un axe sécuritaire pour aller à l'école, et ainsi de suite.»
Questionné à savoir pourquoi il documentait quotidiennement sur les réseaux sociaux les enjeux de mobilité dans sa ville, le marcheur a simplement répondu qu’il souhaite contribuer, «très modestement, à changer les perceptions», à «aider à faire voir que la voiture est encombrante, omniprésente, désagréable lorsqu'elle est en trop grande quantité dans les milieux de vie».
Une ville où «il y a de la place pour marcher, rouler à vélo, bouger en sécurité, c'est tellement plus agréable», a-t-il conclu.
Selon les données de Vélo Québec, 2,1 millions de Québécois utilisent le vélo de façon utilitaire, ce qui signifie qu’ils l’utilisent par exemple pour se déplacer au travail, à l’épicerie ou alors pour aller à l’école.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne