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Action collective contre Glencore et Québec: les demandeurs en appellent de la durée

durée 15h57
7 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — L’action collective des représentants de la population de Rouyn-Noranda contre Glencore et le gouvernement du Québec pour les dommages subis par les émissions de la Fonderie Horne n’aurait pas dû être limitée à 2020, mais devrait plutôt remonter jusqu’à 1991.

La décision du juge Daniel Dumais, le 30 septembre dernier, d’autoriser l’action collective, mais d’en limiter la portée au 23 octobre 2020, est portée en appel par les représentants, Miguel Charlebois et Julie Fortier.

Ils estiment que le juge Dumais a commis une erreur en excluant les anciens résidants de Rouyn-Noranda qui avaient quitté la ville avant octobre 2020. D’après les avocats qui les représentent, le magistrat a outrepassé son rôle de filtrage à l’étape de l’autorisation alors que cette question aurait dû être tranchée à l’étape du débat de fond.

L’action collective, telle qu’autorisée par le juge Dumais, vise les personnes résidant ou ayant résidé à Rouyn-Noranda dans un rayon de 10 kilomètres de la Fonderie Horne à compter du 23 octobre 2020 et «qui ont subi ou subissent toujours de la crainte, de l’anxiété, du stress, de la colère, de la culpabilité ou tout autre dommage similaire en raison des émissions de contaminants toxiques ou cancérigènes de la Fonderie Horne».

INSPQ: une population à risque

Les représentants souhaitent ainsi réintégrer dans l’action collective toutes les personnes qui ont été exposées entre 1991 et octobre 2020, mais qui n’ont appris l’ampleur de leur exposition et les risques associés qu’en 2022 lorsque l’Institut national de santé publique a publié des études à cet effet démontrant entre autres une espérance de vie réduite et une prévalence au-dessus de la moyenne de cancer du poumon et de maladies pulmonaires à Rouyn-Noranda.

Les requérants au dossier reprochent à Glencore Canada, propriétaire de la fonderie, «d’avoir émis dans l’environnement un cocktail de contaminants toxiques et/ou cancérigènes qui dépassaient et dépassent toujours largement les normes de qualité de l’atmosphère, en omettant d’informer adéquatement et en temps opportun les membres du groupe des risques liés à cette exposition, alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître ces risques et leur étendue».

Quant au gouvernement du Québec, on lui reproche d’avoir toléré et autorisé les activités de la fonderie, «sachant ou devant savoir que ces activités émettaient et émettent dans l’environnement des contaminants qui dépassaient et dépassent largement les normes de qualité de l’atmosphère et qui représentent un risque pour les membres du groupe». Par extension, on lui reproche aussi «d’avoir omis d’imposer des mesures adéquates pour protéger les membres du groupe, ainsi que d’avoir omis d’aviser adéquatement ces derniers et en temps opportun de la nature et de l’étendue de la contamination à laquelle ils étaient exposés et des risques liés à cette exposition, afin de leur permettre de réagir à la menace».

Délai de prescription

Dans leur déclaration d’appel, les demandeurs reprochent au juge d’avoir «erronément tranché et accueilli un moyen de contestation fondé sur la prescription», c’est-à-dire qu’il s’est fié sur le délai de prescription durant lequel une personne peut porter plainte. Comme la demande d'action collective a été déposée le 23 octobre 2023, le juge Dumais a donc reculé de trois ans, soit le délai de prescription habituel, pour fixer la date du 23 octobre 2020.

Dans leur demande initiale, les représentants faisaient valoir que les personnes désignées dans l’action collective «ont subi des dommages moraux, à compter de 2022, dans le contexte de publications et de sorties publiques des autorités sanitaires, de l’Institut national de santé publique du Québec et du Collège des médecins, les informant des risques de santé "inacceptables" auxquels ils étaient exposés depuis au moins 1991, en raison de l’émission des contaminants par la Fonderie».

Le document d’appel se fonde de plus «sur le défaut des intimés d’informer le public, notamment le défaut du Gouvernement de prévenir le public des données relatives aux risques subis par la population de Rouyn-Noranda, lesquelles ont plutôt été cachées au public par le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, de 2019 à 2022».

Des centaines de millions de plus

La restriction temporelle imposée par le juge Dumais n’est pas anodine. «Cette erreur en entraîne une deuxième relativement à la quantification des dommages-intérêts compensatoires et des dommages-intérêts punitifs selon le Plan d’indemnisation proposé», peut-on lire dans la requête.

Ainsi, les dommages compensatoires réclamés pour le préjudice moral subi, qui sont de 1000 $ par mois d’occupation dans le quartier Notre-Dame adjacent à la fonderie, et de 500 $ par mois d’occupation à l’extérieur de ce quartier, mais à l’intérieur d’un rayon de 10 kilomètres, s’étendraient sur 357 mois de plus en calculant à partir du 1er janvier 1990 plutôt que du 23 octobre 2020. Il s’agit là d’une différence de 357 000 $ par personne dans le premier cas et de 178 500 $ dans le second pour des occupations continues, si, bien sûr, un jugement sur le fond donnait raison aux requérants.

Dans le cas des dommages punitifs, que l’action collective situe à 250 $ par mois d’occupation, ceux-ci seraient alors majorés d’un peu moins de 90 000 $ par personne.

Si l’on considère que la ville de Rouyn-Noranda compte 43 328 habitants selon les données 2024 du gouvernement du Québec, on peut imaginer que la différence, au total, implique des centaines de millions de dollars.

La seule consolation pour Glencore et le gouvernement du Québec se situe dans le fait que «les Appelants ne demandent pas une indemnité pour des dommages moraux subis depuis 1991. Ils demandent une indemnité pour les dommages moraux, soit les craintes, l’anxiété, le stress, la colère, la culpabilité, etc. subis lorsqu’ils apprennent, dans le cadre de la Crise de 2022, tous les risques précis auxquels ils sont exposés depuis 1991, en raison des fautes des Intimés, notamment par les manquements de ces derniers à leur devoir d’information, entre autres, en cachant à la population, de 2019 à 2022, des données qui leur auraient permis de réagir en temps opportun».

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne