Étude du projet de loi sur la gouvernance syndicale, dans un contexte de grogne

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Par La Presse Canadienne, 2025
La grogne des syndicats est à son comble, alors que commenceront mardi les consultations particulières sur le projet de loi sur la transparence et la gouvernance syndicales.
Lorsqu'il avait présenté son projet de loi, le ministre du Travail, Jean Boulet, avait dit vouloir ainsi s'assurer que les cotisations syndicales soient utilisées «de façon compatible avec la volonté des travailleurs».
Il avait aussi dit souhaiter que les travailleurs soient mieux informés de l'utilisation des sommes qu'ils remettent aux syndicats.
Cotisations facultatives
L'aspect du projet de loi qui a suscité le plus de remous est celui qui crée le concept de «cotisation facultative», en plus de la cotisation syndicale principale.
Le ministre part du principe que «la mission centrale d'un syndicat, c'est la formation, la représentation et la négociation» et que le reste est facultatif.
Il ne va pas jusqu'à interdire aux syndicats de contester des lois devant les tribunaux, de faire des campagnes publicitaires ou de participer à des mouvements sociaux. Mais, pour consacrer des fonds à ces activités, les syndicats devront faire approuver par leurs membres une cotisation facultative à cet effet.
Mais on ne peut réduire le rôle des syndicats à la stricte défense des conditions de travail de leurs membres, a plaidé la présidente de la FTQ, Magali Picard, en entrevue.
Les syndicats ont mené des batailles pour des services de garde subventionnés, pour améliorer l'assurance-emploi, pour l'équité salariale, contre les droits de douane, a-t-elle rappelé.
«Si on ne se bat pas pour garder une pension de vieillesse à 65 ans, elle risque de retomber à 67 ans, alors que les régimes de pension, eux, débutent à 65 ans. Même chose avec les congés parentaux et le fait de ne pas avoir de ticket modérateur dans les hôpitaux. Le travail à temps plein de la FTQ, c'est de faire du lobby auprès des gouvernements pour défendre le revenu social du monde ordinaire. Alors, si on ne peut plus faire ça, on va tous s'appauvrir, les syndiqués et les non-syndiqués», s'est exclamée Mme Picard.
L'un de ses syndicats affiliés, celui des Métallos, a fait des campagnes de publicité sur la sécurité des signaleurs routiers. En 2015, il a aussi fait une campagne pour obtenir une consigne sur le verre, alors qu'il représentait les travailleurs de la verrerie Owens Illinois, qui craignaient pour leurs emplois.
En 2016, il a aussi soutenu des retraités de la minière Cliffs qui voyaient leur rente de retraite amputée, à la suite de la faillite de la filiale canadienne de l'entreprise. Le recours juridique du syndicat a permis d'atténuer grandement les pertes des retraités.
Le syndicat des Métallos se demande s'il pourra continuer de mener de telles campagnes, ou s'il devra solliciter une cotisation facultative de ses membres à chaque fois.
«C'est un effritement de la démocratie, un affaissement des contre-pouvoirs» que le gouvernement Legault veut ainsi accomplir, a soutenu en entrevue Nicolas Lapierre, directeur québécois du syndicat des Métallos.
Le président de la CSQ, Éric Gingras, et la présidente de la CSN, Caroline Senneville, ont déjà reproché au gouvernement de vouloir ainsi désigner «un méchant», les syndicats, pour faire diversion de son bilan politique, social et économique et tenter ainsi de remonter dans les sondages.
«En matière de campagnes de publicité et de participation à un mouvement social, l’intention du gouvernement est claire sur un point: il souhaite compliquer davantage tout ce qui touche aux contestations judiciaires et aux interventions devant les tribunaux. On comprend donc que le législateur intervient directement dans la vie démocratique des syndicats, pour affaiblir leur rôle de contre-pouvoir et restreindre leur liberté d’expression», affirme à son tour le Syndicat québécois des employé(e)s de service (SQEES), affilié à la FTQ.
États financiers
Les syndicats en ont aussi contre l'exigence qui leur sera faite de présenter des états financiers vérifiés, soit un «examen» pour les syndicats de 50 à 199 membres, qui coûterait entre 5000 $ et 8000 $, ou un audit pour les syndicats d'au moins 200 membres, qui coûterait 10 000 $.
Les syndicats soutiennent que de tels montants mettent en danger la capacité des petits syndicats à mener à bien leur mission de défendre leurs membres.
Selon le syndicat des Métallos, pour les petits syndicats, de tels montants peuvent représenter 10 % à 25 % du budget de fonctionnement.
Lia Lévesque, La Presse Canadienne