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L'immunothérapie pourrait combattre le VIH

durée 09h46
15 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Déjà bien connue et largement utilisée dans la lutte contre le cancer, l'immunothérapie vient pour la première fois d'être mobilisée avec succès pour combattre le VIH, lors d'une étude à laquelle a participé un expert montréalais.

L'étude a porté sur 41 participants répartis dans onze sites du Canada, des États-Unis et de l'Australie. Les sujets ont présenté des réponses variables, mais le virus était indétectable chez quelques-uns d'entre eux deux ans après la fin de la thérapie – alors que le traitement avait été éliminé de leur organisme depuis très longtemps.

«Ça fait dix-sept ans que je fais des études cliniques nationales et internationales (et) c'est la première fois que ça fonctionne, s'est réjoui l'investigateur principal de l’étude, le docteur Jean-Pierre Routy du Centre universitaire de santé McGill. Et ce qui est encourageant, c'est que ça marche même quand le produit n'est plus là.»

L'étude randomisée, à double insu et contrôlée par placebo, a évalué l’innocuité et la tolérabilité du budigalimab, un anticorps monoclonal ciblant la protéine de mort cellulaire programmée 1 (PD-1), chez des personnes vivant avec le VIH.

En termes simples, le PD-1 est un «frein» qui empêche le système immunitaire de s'emballer et de commencer à attaquer les cellules saines. Les cellules cancéreuses, par exemple, sont en mesure d'exprimer une protéine qui berne le PD-1 et les fait passer pour des cellules saines, les mettant à l'abri d'une réponse immunitaire.

Lors de cette étude, le docteur Routy et ses collègues ont utilisé des doses de budigalimab jusqu'à vingt fois plus petites que les doses utilisées en oncologie pour lever ce frein et permettre au système immunitaire d'attaquer le VIH avec plus de puissance.

L'étude a été menée en deux étapes, les données préliminaires générées lors de la première ayant servi à déterminer le dosage utilisé lors de la deuxième. La résurgence du virus a été retardée chez six des onze participants ayant reçu le traitement à la deuxième étape de l’étude. Deux d’entre eux ont pu demeurer sans traitement antirétroviral pendant plus de six mois, sans présenter de rebond viral.

«Ce qui est beau, c'est que ça a persisté alors que le médicament avait disparu, a souligné le docteur Routy, qui est aussi le scientifique principal au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du CUSM. Donc on a probablement amélioré, rétabli quelque chose. C'est très prometteur, mais ça nécessite d'aller plus loin.»

Les chercheurs ont obtenu une réponse «spectaculaire» chez environ le tiers des participants, a-t-il ajouté.

Ceux qui ont présenté la meilleure réponse, a expliqué le docteur Routy, étaient ceux qui n'avaient pas encore été trop «abîmés» par la maladie, donc ceux qui étaient malades depuis moins longtemps.

«On ne crée pas une nouvelle immunité, on amplifie l'immunité (existante), a-t-il précisé. Donc si on prend des gens qui sont traités dans la première année, ce qui se fait dans la majorité des cas au Canada, on peut avoir un espoir qu'on pourrait vivre sans VIH. Mais ceux qui sont arrivés très tard, qui ont pris des médicaments après six ou huit ans et qui commençaient à être affaiblis, honnêtement je pense ce n'est pas la meilleure stratégie.»

La poignée de patients qui ne présentait aucune trace de la maladie deux ans après la fin du traitement a repris son traitement habituel par mesure de précaution, a dit le docteur Routy, mais ces participants auraient peut-être «pu tenir plus (longtemps), mais les médecins ont eu peur».

Les inhibiteurs de PD-1 ne remplaceront pas la trithérapie dans la prise en charge du VIH demain matin, a-t-il prévenu, puisqu'il faut encore apprendre à utiliser cette nouvelle arme de la bonne manière, et surtout chez les bons patients.

«Il faut l'encadrer, il faut le faire au bon moment, parce qu'on ne veut pas revenir à un état hyperinflammatoire, a dit le docteur Routy. Si on met un vaccin ou des anticorps qui sont vraiment spécifiques pour le virus, là, on pourrait jouer dans des gammes qui pourraient se comparer à la trithérapie, mais on n'en est pas là.»

Pour le moment, a-t-il complété, cette découverte permet au moins aux patients porteurs du VIH qui doivent se plier à la trithérapie quotidiennement d'espérer des jours meilleurs.

«C'est un rayon de soleil pour eux, a conclu le docteur Routy. C'est quand même un ton un peu différent que de dire "Ah oui, tu dois prendre ce médicament (la trithérapie) toute ta vie", ce qui est terrible. Je trouve ça d'un découragement profond, au lieu de leur dire qu'on va prendre ce médicament tant qu'on n'a pas mieux ou qu'on n'a pas des stratégies pour réparer l'immunité.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal Nature Medicine.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne