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La ministre Gull-Masty veut faire progresser les enjeux autochtones dans son rôle

durée 08h07
27 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Lorsque Mandy Gull-Masty a pris ses fonctions de ministre des Services aux Autochtones au printemps dernier, une question planait sur sa nomination: pourquoi une femme crie accepterait-elle d’appliquer la Loi sur les Indiens, alors qu’une autre femme des Premières Nations l’avait refusée avant elle?

Mme Gull-Masty a été nommée au cabinet en mai, après avoir été élue députée pour la première fois en avril. Elle a déclaré à La Presse Canadienne qu’elle était prête à «prendre le risque», même si certains affirmaient que le gouvernement «la menait à l’échec».

D’autres, a-t-elle expliqué, ont souligné qu’elle pourrait contribuer à ouvrir la voie aux personnes avec lesquelles elle a travaillé par le passé et faire progresser les dossiers qu’elle connaît parfaitement: l’eau potable, le logement et la protection de l’enfance.

«J’ai eu l’occasion d’en apprendre beaucoup plus que je ne l’aurais jamais imaginé. J’ai aussi dû m’opposer à ma façon», a affirmé Mme Gull-Masty depuis son bureau du centre-ville d’Ottawa.

«Je peux dire qu'entre le jour de mon entrée en fonction et aujourd'hui, les marques de soutien, le désir de me voir réussir et de collaborer avec moi ont explosé, et j'en suis profondément reconnaissante.»

Mme Gull-Masty était au moins la deuxième femme des Premières Nations à se voir offrir ce poste par un premier ministre libéral, mais la première à l'accepter.

L'ancienne ministre Jody Wilson-Raybould avait refusé le poste que lui avait offert l'ancien premier ministre Justin Trudeau, car elle aurait dû administrer des programmes en vertu de la Loi sur les Indiens, une loi à laquelle elle s'est opposée tout au long de sa carrière.

À l'époque, les dirigeants autochtones avaient déclaré que la proposition de M. Trudeau de la transférer aux Services aux Autochtones était inappropriée, compte tenu du contrôle excessif exercé par le gouvernement fédéral sur les peuples et les communautés autochtones.

Mme Gull-Masty, à qui le même poste a été offert par le premier ministre Mark Carney, a porté un regard différent sur la situation au cours des quelque 200 jours qu'elle a passés en poste.

Être au cœur du pouvoir, a-t-elle dit, lui a donné une nouvelle perspective, et un nouveau sens des responsabilités, envers les communautés avec lesquelles elle travaille quotidiennement. Cela a également influencé ses relations avec ses collègues du cabinet, qui n'ont peut-être pas la même connaissance pratique des communautés autochtones du pays.

Parfois, cela implique de remanier leurs discours et de leur fournir des commentaires afin de s'assurer que leurs propos reflètent la réalité de la communauté. D'autres fois, il s'agit de les inciter à prendre en compte les communautés autochtones dans leur travail, même si leur dossier ne les concerne pas directement.

C'est le cas de ses relations avec le ministre des Ressources naturelles, Tim Hodgson, qui, selon elle, a rencontré le caucus autochtone du gouvernement, composé notamment de Mme Gull-Masty, du député libéral Jaime Battiste et de la ministre des Affaires du Nord et de l'Arctique, Rebecca Chartrand.

M. Hodgson, lui aussi député novice et ancien président du conseil d'administration d'Hydro One, s'est retrouvé à demander aux communautés autochtones de collaborer avec le gouvernement fédéral et d'appuyer son programme de grands projets. Le parcours du nouveau ministre n'a pas été sans embûches.

En novembre, M. Hodgson a dit pouvoir rencontrer par Zoom les Premières Nations côtières, mécontentes du projet de pipeline vers la côte de la Colombie-Britannique.

Ces propos, largement perçus comme un mépris pour le dialogue avec les Premières Nations et l'importance des rencontres et échanges en personne, ont suscité des excuses rapides de la part de M. Hodgson, qui s'est engagé à les rencontrer en personne dès que possible.

«Il a reconnu ses torts, a affirmé Mme Gull-Masty. Je ferai toujours preuve de compréhension envers les gens qui cherchent à s'impliquer et à dialoguer.»

Être à l'écoute d'anciens collègues

Elle a également dû faire preuve d'indulgence envers elle-même et se rappeler que, même si les enjeux autochtones ne sont pas une priorité pour le Canadien moyen, tout ce qu'elle fait fait la une des journaux pour les communautés qu'elle sert.

«Je ne juge pas qui est important et qui ne l'est pas. Je sais que le rôle que nous jouons et la raison pour laquelle nous avons été choisis pour remplir ce rôle sont extrêmement importants.»

Bien que novice en politique fédérale, Mme Gull-Masty a vécu sous les feux de la rampe, notamment en tant que grande cheffe du Grand Conseil des Cris, où elle a tissé des liens d’égal à égal avec les dirigeants des Premières Nations de partout au pays.

Dans ses nouvelles fonctions, cette dynamique a changé, un changement particulièrement visible lors de l’Assemblée des Premières Nations qui s’est tenue en décembre à Ottawa. Mme Gull-Masty s’est alors retrouvée à transmettre les messages du gouvernement à un groupe de chefs avec lesquels elle siégeait auparavant.

Travaillant jusqu’à 14 heures par jour pendant les trois jours de l’assemblée, Mme Gull-Masty a ressenti une nouvelle «intensité» en assumant son nouveau rôle dans un contexte familier.

«C’était très différent d’être à l’écoute de la réalité à laquelle sont confrontés les membres des Premières Nations dans ce pays», a-t-elle raconté.

«Voir mes collègues dans cette situation et essayer de les aider et de les guider, c'était une expérience inédite pour moi.»

Se présenter sous la bannière libérale

Mme Gull-Masty a soutenu avoir toujours été libérale, mais ne pas avoir toujours publiquement soutenu le parti.

Avant les élections de 2015, dans un message publié sur les médias sociaux, elle avait apporté son soutien à Tom Mulcair, alors chef du Nouveau Parti démocratique, un chef progressiste qui promettait l'assurance médicaments, la réconciliation avec les peuples autochtones et le soutien au Nord.

Elle a ri lorsqu'on lui a demandé ce qui avait changé au cours des dix dernières années pour qu'elle accepte de se présenter dans la circonscription d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou pour un parti qui, avait-elle déjà dit, avait bénéficié de trop de «chances».

«À cette époque, il y a dix ans, quand j'étais plus jeune, c'était la personne idéale à ce moment-là… Ce que je recherche chez un dirigeant, c'est quelqu'un de structuré, de stable, qui assure une vision claire de la voie à suivre», a-t-elle soutenu.

«Je crois avoir trouvé cela en travaillant avec ce premier ministre. Sans vouloir critiquer Tom Mulcair, je pense que M. Carney me l'offre d'une certaine manière, et je suis très fière d'en faire partie.»

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne