Le budget pourrait mener à un ralentissement des hausses des transferts en santé

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le budget fédéral ne prévoit pas de marge de manœuvre pour les premiers ministres provinciaux afin de négocier davantage de financement pour les soins de santé dans les années à venir, selon un économiste.
Le Transfert canadien en matière de santé devrait s'élever à 54,7 milliards $ en 2025-2026, puis augmenter de 5 % par an jusqu'en 2028.
Par la suite, le budget prévoit une augmentation minimale de 3 % par an, calculée sur la base de la moyenne mobile sur trois ans de la croissance nominale du PIB.
«Il semble que le message du budget soit que les transferts en matière de santé, les transferts sociaux et les péréquations ne changeront pas. Il n'y a pas de place pour la négociation», a analysé l'économiste en chef à l’Institut des finances publiques et de la démocratie de l'Université d'Ottawa, Mostafa Askari.
Selon M. Askari, cela s'explique par le fait que l'objectif budgétaire principal du gouvernement est d'équilibrer le budget de fonctionnement, qui comprend les transferts en matière de santé, d'ici trois ans.
Dans sa propre analyse budgétaire, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) en est venu à la conclusion que cela signifie que la part globale du financement fédéral consacrée aux budgets de la santé des provinces et des territoires diminuera au cours des cinq prochaines années.
«L’inflation et la population vieillissante feront en sorte que le coût réel pour maintenir les niveaux de service dépassera forcément la croissance du PIB nominal», peut-on lire dans l'analyse du SCFP.
Le montant du financement de la santé couvert par Ottawa est une préoccupation constante pour les premiers ministres des provinces, qui ont utilisé le Conseil de la fédération pour faire pression sur le gouvernement fédéral afin qu'il prenne en charge une plus grande partie des coûts.
En 2021, les premiers ministres provinciaux se sont dits «fermement unis» pour demander au gouvernement fédéral d'augmenter sa part des coûts de santé de 22 % à 35 % et de maintenir les augmentations annuelles de 5 % des transferts.
Lors d'une réunion en juillet dernier, les premiers ministres provinciaux ont convenu de souligner «l'importance d'améliorer le Transfert canadien en matière de santé et son mécanisme d'indexation».
Une porte-parole de la ministre de la Santé de l'Ontario, Sylvia Jones, a déclaré que la province demandait au gouvernement du premier ministre Mark Carney «d'être notre partenaire et de contribuer à hauteur de sa juste part».
Selon l'Ontario, le taux de croissance minimum à l'avenir devrait être de 5 %.
«Cela donnera à l'Ontario, ainsi qu'aux autres provinces et territoires, la stabilité nécessaire pour élaborer des plans à long terme pour le système de santé», a fait valoir la porte-parole Ema Popovich.
Le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, Rob Lantz, préside actuellement le Conseil de la fédération. Son bureau n'a pas répondu aux multiples demandes de commentaires.
Expiration
Le budget souligne également que des accords de financement de la santé, représentant des milliards de dollars, arriveront à expiration dans les années à venir.
Cela comprend 2,5 milliards $ par an consacrés à des accords bilatéraux avec les provinces et les territoires et 1,2 milliard $ destinés aux soins à domicile, à la santé mentale et à la lutte contre les dépendances.
Ces accords de financement expirent en 2027, tandis qu'un transfert de 600 millions $ pour les soins de longue durée expire en 2028.
La Coalition canadienne de la santé constate qu'il n'y a aucune indication que ces accords seront renouvelés.
«Je pense que le gouvernement fédéral va se contenter de faire le strict minimum en matière de soins de santé», a mentionné Steven Staples, directeur national des politiques et de la défense des intérêts du groupe.
Dans une déclaration, un porte-parole de la ministre fédérale de la Santé, Marjorie Michel, a plaidé que le budget était «un budget d'investissement» qui protège les transferts en matière de santé et comprend un fonds de 5 milliards $ pour les infrastructures de santé «afin de moderniser les hôpitaux, les salles d'urgence et les centres de soins d'urgence».
Pas la fin?
Don Drummond, professeur adjoint d'études politiques à l'Université Queen's, estime que la moyenne mobile des transferts en matière de santé signifie probablement que ceux-ci resteront autour de 3 % par an «compte tenu de notre faible productivité».
Il ajoute que les gouvernements fédéraux semblent avoir de moins en moins envie de verser des milliards de dollars sans obtenir la reconnaissance des électeurs.
«Ils veulent intervenir de manière beaucoup plus directe dans les soins de santé», a-t-il souligné.
«C'est pourquoi ils ont réservé une partie des fonds destinés aux infrastructures pour les infrastructures de santé et qu'ils s'intéressent au régime dentaire.»
M. Drummond, qui a précédemment occupé des postes de haut niveau au ministère des Finances et travaillé sur les budgets fédéraux, a averti que les premiers ministres provinciaux devraient se préparer à ce qui va suivre. Il a rappelé que le budget de 1995 prévoyait des réductions des transferts fédéraux.
«C'est ce qui m'inquiète, que ce ne soit pas la fin.»
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne