Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Le financement du plan d'action sur l'alzheimer revient à 53 $ par patient

durée 09h45
7 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les médecins gériatres et les neurologues sont ravis du contenu du plan d’action sur la maladie d’Alzheimer et les autres troubles neurocognitifs. Ils doutent toutefois que le gouvernement puisse arriver à ses fins avec si peu d'argent alloué.

Le plan d'action québécois pour la maladie d'Alzheimer a été dévoilé lundi par la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Sonia Bélanger. C'est l'une des initiatives qui étaient prévues dans la politique québécoise sur la maladie d’Alzheimer et les autres troubles neurocognitifs, présentée en février.

Après avoir analysé les détails de ce premier plan d'action, l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ) et l’Association des neurologues du Québec (ANQ) se disent préoccupées par l'avenir des soins donnés aux personnes âgées dans les prochaines années. Elles font front commun pour demander un plus grand investissement, car elles estiment que les réalisations seront minimes sans rehaussement.

«Ce plan-là, quant à nous, n'a pas les moyens de ses ambitions», commente en entrevue la Dre Julia Chabot, présidente de l’AMGQ. Elle soutient que l'enveloppe de 23,6 millions $ sur cinq ans n’offre pas les leviers nécessaires pour mettre en place des solutions dans le contexte où le poids démographique des personnes aînées au Québec est en croissance.

Les chiffres du gouvernement du Québec et des acteurs qui œuvrent auprès des aînés sont aux antipodes.

«Dans les derniers jours, j'ai contacté beaucoup de nos partenaires, de gens justement qui travaillent dans le milieu des troubles cognitifs pour avoir une idée un petit peu des besoins réels du terrain. Nous, on arrive à des chiffres qui sont vraiment plus extrêmes. On arrive à quelque chose qui serait de 100 millions $ annuellement», expose la Dre Chabot.

«Les neurologues et les gériatres constatent sur le terrain tous les jours à quel point les besoins sont grandissants en matière de prévention et de traitement des troubles neurocognitifs majeurs, comme la maladie d’Alzheimer. Il est plus urgent que jamais de se doter d’outils réalistes et forts», mentionne pour sa part le Dr Guillaume Lafortune, président de l’ANQ, dans un communiqué.

Aussi peu que 29 $ par patient

Les Québécois âgés de 65 ans et plus représentent actuellement 22,2 % de la population. D'ici cinq ans, on estime qu'ils constitueront le quart de la population.

Pour démontrer à quel point l'enveloppe du plan d'action est insuffisante, la Dre Chabot fait un simple calcul. «La première année, il va y avoir 8 millions $, mais si on considère qu'il y a 150 000 personnes au Québec présentement qui sont atteintes d'un trouble neurocognitif, si on fait un calcul vraiment de base, ça nous revient à 53 $ par personne. On s'entend que 53 $ par personne, ça ne sera pas suffisant pour répondre aux besoins de ces personnes», détaille la Dre Chabot.

Pour les années subséquentes, les montants récurrents alloués seront de 3,9 millions $ annuellement. S'il y a toujours 150 000 Québécois atteints d'une maladie neurodégénérative — ce qui est une sous-estimation, selon la Dre Chabot — cela revient à 29 $ par patient. «C'est très, très peu de sous pour être capable de mettre en place toutes les choses qu'on veut mettre en place avec ce plan», souligne-t-elle.

Les gériatres voient les cas les plus complexes, notamment les personnes qui ont des troubles de comportement sévères. Mais ces médecins spécialistes n'ont pas les ressources nécessaires pour prendre en charge les patients qui leur sont référés par la première ligne.

«Présentement sur le terrain, on a environ 40 % des médecines gériatres qui n'ont pas de support infirmier dans les cliniques de gériatrie. C'est beaucoup ça. Il y a aussi 50 % des gériatres qui disent qu'ils n'ont pas le support administratif nécessaire», rapporte la présidente de l’AMGQ. Par conséquent, certaines cliniques de gériatrie ne sont pas en mesure de donner des rendez-vous.

De plus, la moitié de ces cliniques n'ont pas accès à une équipe interdisciplinaire, comme des physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, etc.

Augmenter les diagnostics en première ligne

La Dre Chabot ne crache pas du tout sur le plan; au contraire, elle le trouve «tout à fait louable» et «très bien élaboré». Elle réitère que c'est le manque de financement qui est alarmant.

Cinq grands axes se déclinent dans le plan d’action. On veut diminuer le nombre de cas de maladie d'Alzheimer et d'autres troubles neurocognitifs en misant sur la prévention. Comme mesure pour y arriver, on entend mieux informer les Québécois sur l'importance de prendre soin de sa santé cognitive.

Une autre mesure phare vise à «consolider l’approche de soins palliatifs en matière de maladie d’Alzheimer et d’autres troubles neurocognitifs, et selon les volontés de la personne, assurer la complémentarité entre soins palliatifs et aide médicale à mourir».

On demande également à Santé Québec d'«augmenter la proportion de diagnostics réalisés dans les milieux d’affiliation en première ligne», et parallèlement de «diminuer le nombre de références non justifiées vers les services spécialisés et surspécialisés».

La société d'État devra également «former et mentorer plus de 80 % des médecins de famille, infirmières et travailleuses sociales en milieux d’affiliation en première ligne sur l’utilisation du Processus clinique interdisciplinaire en première ligne». Ce processus présente les principales étapes impliquées dans la prise en charge et le suivi en groupe de médecine familiale (GMF) des personnes atteintes d’un trouble neurocognitif, incluant l'alzheimer.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne