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Les feux et autres phénomènes météo extrêmes font grimper le coût de l'assurance

durée 09h00
3 juin 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

Les incendies de forêt qui affligent les résidents de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse font partie d'une tendance plus large qui fait grimper le coût de l'assurance habitation à mesure que les conditions météorologiques extrêmes deviennent plus courantes, observent des experts en assurance. 

«Les primes au Canada augmentent depuis un certain temps déjà», a souligné Marcos Alvarez, responsable mondial des assurances chez DBRS Morningstar. 

Après de grands événements comme les incendies de forêt qui dominent les manchettes au Canada, les clients de ces zones géographiques pourraient voir leurs polices réévaluées, a estimé M. Alvarez, ou pourraient voir les assureurs s'impliquer davantage. «Lorsque vous subissez des pertes de cette ampleur, vous pouvez réévaluer votre approche au sujet des prix des souscriptions.» 

Au fil du temps, ces changements au niveau local contribueront à la tendance plus large, a-t-il prévenu. 

Dans un rapport publié en juillet 2022, Ratesdotca indiquait que les primes d'assurance habitation en Ontario avaient augmenté d'environ 10 % en moins d'un an, l'incidence croissante des phénomènes météorologiques violents étant l'un des nombreux facteurs contribuant à l'augmentation des coûts pour les propriétaires, en particulier ceux des communautés moins populeuses. 

Un rapport similaire publié un an plus tôt avait révélé que la croissance des primes d'assurance habitation dépassait largement l'inflation, les primes moyennes d'assurance habitation en Alberta ayant augmenté de 140 % sur 10 ans pour atteindre 1779 $ au début de 2021. En Ontario, la prime annuelle moyenne était en hausse de 64 % cent à 1284 $. 

Les pertes plus importantes sont le principal contributeur à l'augmentation des primes, que ces pertes soient dues à des catastrophes naturelles, à l'inflation ou à d'autres coûts en hausse, a expliqué Daniel Ivans, expert en assurance chez Ratesdotca. 

«Lorsque vous avez une perte, cela coûte plus cher maintenant que jamais», a-t-il affirmé. 

Selon le rapport annuel du Bureau d'assurance du Canada (BAC), les intempéries ont causé 3,1 milliards $ de dommages assurés en 2022, contre 2,1 milliards $ en 2021. Il s'agissait de la troisième pire année de l'histoire du Canada. L'incendie de Fort McMurray a placé 2016 au premier rang, avec près de 6 milliards $ de dommages. 

Des risques qui deviennent non assurables

L'augmentation du coût de l'assurance des maisons à risque de dommages causés par des conditions météorologiques extrêmes a été mise en évidence cette semaine en Californie, lorsque l'assureur State Farm a annoncé qu'il n'accepterait plus les demandes d'assurance commerciale et résidentielle dans l'État en raison de «l'augmentation historique des coûts de construction dépassant l'inflation, de l'exposition croissante rapide aux catastrophes et d'un marché de la réassurance difficile». 

La tendance voulant que certains risques deviennent moins ou complètement non assurables en raison du changement climatique s'observe dans le monde entier, a souligné M. Alvarez. State Farm n'est même pas le premier assureur à quitter le marché californien, a-t-il noté. 

Les assureurs au Canada sont confrontés aux mêmes problèmes que State Farm, a estimé Craig Stewart, vice-président du BAC chargé des changements climatiques et des questions fédérales. Ceux-ci incluent des coûts plus élevés pour la reconstruction et la réassurance, ainsi que des événements plus fréquents comme les incendies de forêt, a-t-il énuméré. 

Mais il est peu probable que le Canada voie un assureur faire la même chose que State Farm de sitôt, a estimé M. Alvarez. D'une part, les prix de l'assurance habitation en Californie sont réglementés, ce qui signifie que les assureurs ont des limites sur le montant qu'ils peuvent facturer, tandis qu'au Canada, les assureurs n'ont pas les mêmes obstacles. 

La situation en Californie est extrême, a poursuivi M. Stewart, les incendies devenant non seulement plus courants, mais essentiellement des événements prévisibles. 

«Vivre en Californie s'apparente à vivre dans une plaine inondable au Canada, a-t-il illustré. Nous savons que la catastrophe va se produire.» 

M. Ivans a souligné que même si les assureurs au Canada interrompent parfois les nouvelles couvertures en cas de catastrophe, cela se produit rarement et ne prévaut que quelques jours ou semaines. 

M. Alvarez a pour sa part noté que si les propriétaires sont actuellement couverts contre les incendies de forêt dans le cadre de l'assurance habitation standard, ils sont sous-assurés pour d'autres risques, y compris les inondations. 

Un problème de politique publique 

Lorsqu'un segment devient non assurable, c'est un problème de politique publique, a-t-il déclaré. C'est souvent à ce moment-là que le gouvernement intervient, ce qu'il a fait avec les inondations, en promettant de créer un programme national d'assurance contre les inondations à faible coût dans le dernier budget fédéral. 

M. Alvarez croit qu'il est possible que le gouvernement canadien soit appelé à s'impliquer davantage dans l'assurance à l'avenir, si d'autres catastrophes naturelles devenaient de plus en plus difficiles à assurer. 

«Les feux de forêt pourraient être des candidats potentiels pour une sorte de programme public s'ils devenaient de plus en plus courants», a-t-il affirmé. 

À mesure que les événements météorologiques deviennent plus extrêmes, il devient de plus en plus difficile pour les assureurs de maintenir une couverture abordable sans partenariats gouvernementaux, a affirmé M. Stewart. 

Le programme national d'assurance contre les inondations, une fois développé, pourrait être utilisé comme cadre pour couvrir d'autres types de conditions météorologiques extrêmes, a-t-il ajouté. 

«Il s'agit donc d'un programme national d'assurance contre les inondations maintenant, mais conçu pour couvrir plusieurs risques à l'avenir», a-t-il noté. 

Cependant, Stewart a estimé qu'il était clair que le Canada avait besoin de plus qu'une simple assurance contre les événements météorologiques, car la situation actuelle des incendies de forêt montre un manque de préparation et d'investissement dans certains domaines, à son avis. 

Les conditions météorologiques extrêmes mettent en évidence la nécessité d'une cartographie des risques, de campagnes de sensibilisation, d'améliorations des infrastructures et d'autres éléments constituant un «plan de match holistique» pour les catastrophes naturelles, a-t-il expliqué. 

«Nous voyons ces événements maintenant année après année après année», a-t-il souligné.

«Nous avons des événements catastrophiques plusieurs fois par an dans certaines parties du pays, et ce ne sont donc pas des hasards extraordinaires. Nous devons maintenant réaliser que cela va maintenant être la tendance à l'avenir.» 

Rosa Saba, La Presse Canadienne