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Les patrons veulent qu'Ottawa contribue à la caisse d'assurance-emploi

durée 07h00
1 août 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2022

OTTAWA — Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) réclame qu'Ottawa recommence à contribuer au programme d'assurance-emploi et y ajoute un volet de formation. En ce qui concerne une bonification des prestations, il veut grosso modo le statu quo.

Dans son mémoire déposé la semaine dernière dans le cadre des consultations entourant la modernisation de l'assurance-emploi, le regroupement qui représente plus de 70 000 employeurs estime que le programme ne devrait pas être «un fourre-tout pour les programmes sociaux».

Le CPQ propose que le gouvernement Trudeau, s'il veut tout de même bonifier des prestations et en créer de nouvelles, contribue à hauteur de 20 % des coûts et qu'employés et employeurs se partagent la balance à parts égales. Actuellement, les employés paient environ 42 % de la facture et les employeurs 58 %.

Selon les employeurs, les changements au régime doivent être accompagnés d'une «analyse de coût» qui permet non seulement d'évaluer les conséquences sur le financement du régime et sur les cotisations, mais également sur la compétitivité des entreprises et la croissance économique.

Ils affirment ne pas avoir «les moyens» d'assumer des augmentations de coûts qu'engendreraient «de trop généreux assouplissements» au régime d'assurance-emploi, soulignant au passage que leur taux de cotisation augmentera de 35 % entre 2022 et 2029 et que les entreprises sont déjà «affaiblies par les fortes augmentations salariales dues à l'inflation, les effets de la pandémie et la rareté de la main-d'œuvre».

Le PDG du Conseil du patronat, Karl Blackburn, affirme qu'il est «incontournable et essentiel» que l'assurance-emploi se dote d'un programme de formation continue et que les chômeurs «soient obligés de faire de la formation (...) sinon ils pourraient se voir pénaliser sur leur prestation».

Le mémoire précise que les employeurs ne seraient «pas nécessairement réfractaires» à une augmentation des prestations et à leur durée si l'assurance-emploi comprenait un «incitatif» à suivre des formations ou à financer les efforts de formation des entreprises.

Le Conseil du patronat réclame grosso modo le statu quo au chapitre de l'admissibilité, soit le nombre d'heures d'emploi assurable en fonction du taux de chômage de la région, du taux de remplacement à 55 %, de la durée des prestations et du maximum de rémunération assurable présentement fixé à 60 300 $.

Du point de vue du Conseil du patronat, il est essentiel de maintenir «l'incitatif au travail». Autrement dit, le programme doit faire en sorte de «favoriser le retour rapide sur le marché du travail des travailleurs», a déclaré M. Blackburn en entrevue avec La Presse Canadienne. Le montant versé actuellement à un chômeur est «suffisant pour assurer un revenu décent», indique-t-on dans le mémoire.

À ce sujet, M. Blackburn serait-il confortable de vivre pendant quelques mois avec l'équivalent d'un salaire annuel de 33 165 $ avant impôts – soit le maximum – s'il perd son emploi de PDG du Conseil du patronat? Les montants versés par l'assurance-emploi ne sont «pas nécessairement très intéressants», a-t-il reconnu du bout des lèvres en évitant la question, et ce malgré qu'il ait été souligné que son mémoire appelle à passer de la théorie à la pratique.

Dans leur plateforme électorale, les libéraux de Justin Trudeau promettaient l'an dernier de créer une nouvelle prestation d’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes afin de fournir une aide comparable à celle dont bénéficient les salariés et de lancer la prestation en janvier 2023.

Pour le Conseil du patronat, un tel programme devrait être «établi et financé en dehors du programme d'assurance-emploi». Le regroupement croit qu'il serait difficile de déterminer et de vérifier que la perturbation du revenu d'un tel travailleur est véritablement hors de son contrôle.

Renier sa signature

Appelé à commenter la position du CPQ, le porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC), Pierre Céré, a accusé l'organisation patronale de «renier leur signature» d'une déclaration commune longuement négociée.

«Que vaut la signature apposée par le président du Conseil du patronat? (...) Est-ce que ça vient confirmer les préjugés que plusieurs ont sur les employeurs à l'effet que la parole donnée, des fois, ça ne vaut pas grand-chose, qu'on ne peut pas faire confiance aux patrons», s'est questionné M. Céré.

Dans un texte qu'il a co-signé avec le président et chef de la direction du CPQ à la fin mars, il est écrit que «les travailleurs et travailleuses doivent pouvoir compter sur un filet social qui leur assure de meilleures protections lors d’une période de chômage» et que les conditions d'admissibilité au programme doivent être assouplies et simplifiées «afin d'en augmenter l'accessibilité et la couverture et, de façon générale, d'améliorer les protections qui sont prévues».

Selon M. Céré, le Conseil du patronat s'est vraisemblablement fait «remettre à l'ordre» par d'autres associations patronales à la suite de la publication de cette déclaration «progressiste» qui a, de surcroît, «pendant deux mois» été «mûrement étudiée, mûrement réfléchie».

M. Céré a plaidé que l'idée que les chômeurs ne veulent pas revenir au travail «repose sur un préjugé». La société comprend qu'«on ne bâtit pas notre vie avec un chèque de chômage» et que cela mènerait à «la pauvreté».

Quant à la formation évoquée, elle doit être «volontaire», a laissé tomber M. Céré après avoir décrit comment il a négocié l'ajout du mot – qui figure bel et bien dans la déclaration – et le retrait de l'obligation.

«Là aussi ils renient directement, clairement, leur signature, a-t-il offert. Moi, quand je signe quelque chose, quand je donne ma parole, il y en a juste une parole.»

Et puis, en ce qui concerne les travailleurs autonomes, la déclaration co-signée entre le CPQ et le CNC allait «très clairement» dans le sens où cela doit faire partie du programme actuel, selon Pierre Céré.

Michel Saba, La Presse Canadienne