Les technologies quantiques émergentes sont à l'honneur au sommet du G7


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le gouvernement libéral a désigné les technologies quantiques comme un sujet prioritaire du Sommet du G7 à Kananaskis, plaçant ainsi cette technologie naissante au cœur du sommet pour la première fois.
Cette initiative vise à mettre en valeur la force du Canada dans ce domaine émergent qui, comme l'intelligence artificielle, promet de transformer de nombreux secteurs.
L'IA est à un stade de développement plus avancé que les technologies quantiques, a expliqué Mark Daley, professeur et directeur de l'IA à l'Université Western.
«Il s'agit d'investissements préliminaires dans une technologie qui a le potentiel d'être véritablement transformatrice. Elle nous permet de calculer beaucoup plus rapidement, en consommant beaucoup moins d'énergie que les ordinateurs classiques, a-t-il ajouté. Inclure cela est en quelque sorte notre façon de protéger notre portefeuille.»
En prévision du sommet, le cabinet du premier ministre a présenté les priorités du Canada pour le sommet du 15 au 17 juin. Il a indiqué dans un communiqué de presse que le gouvernement «chercherait à conclure des accords et à mener des actions coordonnées» sur un certain nombre de sujets, notamment «l'utilisation de l'intelligence artificielle et de l'intelligence quantique pour stimuler la croissance économique».
L'industrie a salué cette initiative et le consortium Industrie Quantique Canada l'a qualifiée d'«étape majeure» pour le secteur.
Les technologies quantiques utilisent les principes de la mécanique quantique pour des applications comme l'informatique. Michael Murphy, chercheur postdoctoral et nouveau directeur du Centre de politique internationale et de défense de l'Université Queen's, a expliqué que les technologies quantiques comprennent également «une gamme de capteurs, de communications, de protocoles, de matériel et de logiciels».
Elles sont toutes «liées aux découvertes de la science quantique, mais les appliquent au monde réel et manipulent les systèmes pour nous permettre d'accomplir des tâches de manière plus sûre, plus efficace ou plus précise», a-t-il indiqué.
Les ordinateurs quantiques, par exemple, permettraient une «augmentation rapide de la puissance de traitement», a ajouté le chercheur.
Paul Samson, président du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, a souligné que, même si l'informatique quantique n'a pas encore atteint le stade de la commercialisation, certaines technologies quantiques sont «présentes maintenant».
Ces technologies comprennent la détection quantique, comme les nouvelles formes de radar, et la cryptographie post-quantique — des applications de cybersécurité pour protéger les données et les communications. M. Samson a expliqué qu'étant donné les applications militaires et infrastructurelles, ainsi que le potentiel de cyberattaques adverses, «il existe un intérêt commun» parmi les membres du G7 à mettre au point «une cryptographie efficace».
S'assurer d'être prêts
Florian Martin-Bariteau, titulaire de la chaire de recherche en technologie et société à l'Université d'Ottawa, a expliqué que la sécurité nationale de tous les pays est menacée sans investissements dans la capacité et les mesures de protection en informatique quantique.
«Cela concerne non seulement les informations gouvernementales», a-t-il précisé, mais aussi des systèmes comme les banques, les télécommunications et les réseaux électriques qui fonctionnent avec des algorithmes que les ordinateurs quantiques seraient capables de déjouer.
Il est urgent de «s'assurer que nous sommes prêts avant» l'arrivée des ordinateurs quantiques sur le marché, a-t-il ajouté.
Le Canada est un chef de file en recherche quantique et en jeunes entreprises, a expliqué M. Samson, soulignant que «nous en étions un peu au même point qu'il y a 15 ans en matière d'IA».
Mais le Canada n'a pas «aussi progressé» en matière d'IA et a fini par perdre des débouchés commerciaux au profit des États-Unis et d'autres pays, a-t-il ajouté.
«Le Canada est déterminé à ne pas agir ainsi pour l'instant, à faire de la quantique une priorité absolue, car nous sommes bien placés dans ce domaine», a-t-il dit.
Florian Martin-Bariteau a acquiescé.
«Espérons que cet écosystème demeure canadien, car nous savons que, malheureusement, une grande partie de l'écosystème de l'IA a été rachetée par les géants technologiques américains», a-t-il ajouté.
L'organisation de M. Samson était chargée de recueillir les avis de divers groupes de réflexion en vue de la réunion du G7. Les recommandations finales comprenaient la création d'un groupe de contact du G7 pour coordonner les chaînes d'approvisionnement quantiques et le lancement d'un observatoire axé sur la sécurité quantique.
M. Martin-Bariteau, coauteur d'un mémoire recommandant la création du groupe de contact sur la chaîne d'approvisionnement, a affirmé que la puissance de calcul des ordinateurs quantiques «pourrait briser tous les algorithmes de chiffrement actuels».
«Ces dernières années, nous avons assisté à de nombreuses discussions sur le quantique en matière de sécurité nationale et de défense, et de nombreux pays ont adopté des réglementations sur l'import-export», a-t-il expliqué, ajoutant que ces réglementations entravent désormais la collaboration et compromettent les partenariats. La technologie quantique est une nouvelle priorité, mais l'intelligence artificielle figurait à l'ordre du jour des sommets précédents du G7.
M. Martin-Bariteau a souligné que, lorsque le Japon assurait la présidence, il avait lancé le processus d'Hiroshima axé sur l'IA générative et un code de conduite, tandis que la présidence italienne, l'année suivante, s'était penchée sur l'IA dans le secteur public.
Le Pr Daley souligne qu'on ne perd pas de temps lors de réunions multilatérales.
«C'est donc l'indicateur le plus clair que les gouvernements et les chefs de gouvernement du G7 prennent ces technologies très au sérieux, car ils sont des agents de changement significatif dans nos économies et nos sociétés», a-t-il dit.
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne