Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Même en cure minceur, le fédéral veut recruter des jeunes, assure Champagne

durée 06h00
23 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Si le gouvernement Carney veut réduire le nombre de fonctionnaires, il reste de la place pour les jeunes qui souhaitent faire carrière dans la fonction publique fédérale, affirme le ministre des Finances, François-Philippe Champagne.

«On était très prudents dans notre approche pour s'assurer que ça soit fait de façon intelligente, c'est-à-dire qu'on veut garder les jeunes talents, répond le ministre lors d’une entrevue récente à Montréal. On veut attirer des jeunes talents au niveau de la fonction publique.»

Le fédéral s’est donné l’objectif d’éliminer 40 000 emplois dans la fonction publique d’ici trois ans, dans le budget publié en novembre, le premier budget signé par le ministre Champagne.

Cela représenterait une baisse de près de 10 % par rapport au sommet de 368 000 atteint en 2023-2024. Environ 10 000 emplois ont été supprimés au cours de l'année écoulée.

Les fonctionnaires fédéraux devraient en apprendre davantage sur les plans de leurs employeurs au retour des Fêtes en janvier, rapportait la semaine dernière La Presse Canadienne.

En entrevue, M. Champagne affirme que la «majorité» des postes seront abolis par «attrition naturelle», notamment en ne remplaçant pas les employés qui prennent leur retraite. «On ne fait pas ça de façon cavalière, insiste-t-il. On fait de façon humaine, dans la bienveillance.»

Cette approche soulève toutefois des questions pour les jeunes qui sont attirés par le service public.

Leurs premiers pas sur le marché du travail sont déjà difficiles, en raison de l’incertitude économique. Le taux de chômage des jeunes a augmenté récemment. Décrocher un premier emploi est devenu plus ardu dans le secteur privé.

La taille de l’État a augmenté durant la pandémie, défend M. Champagne. Ottawa devait réduire le nombre de fonctionnaires pour arriver «à des niveaux qui sont plus soutenables», selon lui. «Mais, il y a encore des opportunités pour les jeunes, définitivement», précise-t-il.

Il a cité en exemple l’objectif d’embaucher 1000 agents supplémentaires de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), et le même nombre pour les douaniers. Les effectifs devront aussi être augmentés dans le secteur de la défense. «Il y a des opportunités pour des gens qui vont pouvoir entrer dans le service public, puis développer une carrière à long terme

«Dépenser moins pour investir plus»

L'intention de réduire les effectifs de l’État fait partie d’un plan visant à diminuer les dépenses courantes pour déployer plus d’argent dans des initiatives qui soutiendraient la croissance économique.

Ottawa veut réaliser des économies de 60 milliards $ en cinq ans. M. Champagne affirme que le chemin pour réaliser ces économies est déjà déterminé. «Aller identifier 60 milliards $ d’épargne en quelque mois, ça demeure, si vous regardez dans l'histoire du Canada, assez exceptionnel», avance-t-il.

Cet exercice a été fait par chaque ministère. L’an prochain, Ottawa tentera de trouver des «mesures horizontales», soit des initiatives qui pourraient être appliquées à travers l’appareil gouvernemental.

«Comment on peut prendre une des meilleures pratiques dans un ministère et l'amener dans les autres ? donne-t-il en exemple. Comment des outils d'intelligence artificielle peuvent-ils servir différents ministères

Pour l’opposition conservatrice, le budget Champagne n’a rien d’austère. On souligne que le déficit prévu se creuse à 78,3 milliards $ en 2025-2026, contre 51,7 milliards $ l’an dernier.

«Aujourd'hui, les libéraux ont introduit le déficit le plus grand et coûteux dans l'histoire de notre pays hors de la COVID», avait dénoncé le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, en chambre lors du dévoilement du budget en novembre.

M. Champagne défend son approche. Il estime que le Canada est dans une position solide, avec un ratio dette/PIB inférieur aux autres pays du G7.

«Le Fonds monétaire international (FMI) dit bien : "si vous avez la capacité fiscale, il faut investir dans des secteurs qui vont faire de la croissance : infrastructure, logement, productivité, compétitivité et défense". C’est exactement ça qu’on fait.»

M. Champagne défend aussi le changement des ancrages budgétaires, soit les cibles que se donne son ministère pour assurer la viabilité des finances publiques à long terme.

L’objectif est maintenant de réduire le poids du déficit par rapport au produit intérieur brut (PIB). Auparavant, c’était plutôt la dette qui devait diminuer en comparaison de l’économie canadienne.

La décision a été critiquée par le directeur parlementaire du budget par intérim, Jason Jacques. Il remettait en question la pertinence de modifier rapidement un indicateur utilisé de longue date, lors d’un passage en commission parlementaire en novembre.

Pour sa part, M. Champagne juge que le nouveau ratio est plus sévère que le précédent. Le ratio dette/PIB pourrait toujours descendre avec une économie en croissance, souligne-t-il. Le nouvel ancrage budgétaire pointerait plus directement vers la réduction des déficits budgétaires, selon lui.

Réagir à l’électrochoc

Au cours de l’entrevue, M. Champagne a utilisé plusieurs expressions pour marquer la nécessité d’un virage, tant économique que budgétaire.

Le député de Saint-Maurice—Champlain avait toutefois géré plusieurs portefeuilles au sein du gouvernement Trudeau, notamment les Affaires étrangères et l’Économie.

Était-il à l’aise avec les orientations du précédent premier ministre ? «Je dirais que le monde a changé», répond M. Champagne, qui a évité de critiquer directement son ancien patron.

L’élection du président américain, Donald Trump, a forcé une prise de conscience sur la dépendance du Canada face à son puissant voisin, selon le ministre. À cela s’ajoutent de grands changements technologiques, comme le développement de l’intelligence artificielle, et éventuellement de l’informatique quantique.

«Ça a donné un peu d'électrochocs au Canada, selon lui. Peut-être que pendant des années, avec le dollar canadien, avec la proximité du marché américain, avec la nature des échanges commerciaux, il y avait peut-être un peu de complaisance.»

«Et là on se dit : "dans un monde où il vente plus fort, bien là, on a besoin de mettre la maison en ordre" », enchaîne-t-il.

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne