La campagne électorale de 1891, deuxième partie
La campagne électorale fédérale de 1891 dans le comté de Richelieu est marquée par le scandale McGreevy-Langevin, lancé par le journaliste Joseph-Israël Tarte (voir chronique parue dans l'édition du 22 août). Les conventions conservatrice et libérale ont lieu respectivement le 16 et 20 février 1891, chacune à Sainte-Victoire-de-Sorel.
Plusieurs noms ont circulé des deux côtés, mais le choix des candidats était clair dès le départ : Hector-Louis Langevin pour les bleus et Lomer Gouin pour les rouges. Le candidat conservateur se présente dans le comté le 18 février. Alors que lui et son cortège se dirigent vers le chef-lieu, Sorel, ils sont attaqués par des détrousseurs improvisés armés de bâtons.
Le Canadien rapporte que ces gredins sont rapidement dispersés et qu’il n’y a pas de blessés graves, bien que Langevin subisse une légère égratignure et que le notable John McCarthy se disloque le bras gauche.
Le 24 février 1891, les libéraux organisent une assemblée contradictoire. Langevin, selon Le Sorelois, ne pouvait toutefois être présent. On peut supposer qu’ils étaient nombreux à se présenter à l’hôtel de ville (les chiffres donnés vont de 500 à 5000 personnes), situé au Marché Richelieu : l’agora du comté. Plusieurs grosses pointures des deux camps s’adressent alors à l’assistance. C’est toutefois la présence du premier ministre du Québec et beau-père du candidat libéral, Honoré Mercier, qui attire l’attention.
Deux jours plus tard, une deuxième assemblée est organisée. Cette fois, la foule de 3000 personnes assiste à l’affrontement tant attendu : Langevin et Tarte se retrouvent sur la même scène. On le devine : les journaux des deux côtés réclament la victoire pour leur camp… Notons que les deux assemblées se déroulent dans l’ordre.
Gouin et Langevin se retrouvent une fois de plus sur la même tribune, au début de mars, mais aucun compte rendu n’en a été trouvé et on ne sait pas dans quelle municipalité. L’ombre du McGreevisme n’est toutefois pas le seul enjeu dans Richelieu. Celui du libre-échange anime aussi les réunions de cuisine.
Le 5 mars 1891, Tarte est finalement élu dans Montmorency, tout comme Thomas McGreevy dans Québec-Ouest. Le combat du premier contre le McGreevisme se poursuit donc à la Chambre des communes, où il finit par avoir la tête de ses deux rivaux.
Mais pour le comté de Richelieu, cette journée d’élections signifie la fin de ce dossier. Langevin l’emporte sur Gouin par 308 votes (1701 vs 1393). Le lendemain, La Patrie nommait ce dernier parmi les candidats dont elle regrettait la défaite. Le Sud jette, entre autres, la faute sur une partie du clergé et affirme que l’« appât de l'or a été trop fort pour quelques-uns de nos chefs dans les paroisses et plusieurs ont trahi le vaillant candidat fédéral qu'ils acclamaient la veille : honte à eux ». Il assure ensuite le candidat défait de l’« appui cordial des libéraux au jour de la revanche ! » Et celle-ci arrive très vite !
En effet, Langevin, aussi victorieux dans Trois-Rivières, démissionne peu de temps après pour ne représenter que ce dernier comté. Les libéraux ne font toutefois pas appel à Gouin pour la revanche, son légendaire beau-père étant en pleine déchéance depuis le scandale de la Baie-des-Chaleurs. Le chef libéral, Wilfrid Laurier, ne veut alors aucunement associer ses troupes aux proches d’Honoré Mercier.
Pour les amateurs de la petite histoire, notez que c’est Hector-Louis Langevin, en tant que ministre des Travaux publics, qui avait procédé, en 1884, à la pose de la pierre angulaire du fameux bureau de poste qui était situé à l’angle des rues du Prince et Georges.
Mathieu Pontbriand, Société historique Pierre-de-Saurel
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