Histoire de filles
Bien cachée dans le dédale des rues avoisinantes du parc Marguerite-Bourgeois, la Maison Saint-Gabriel, à Pointe-Saint-Charles, près de Verdun, est un des plus beaux musées qui existent au Québec. Elle fut jadis une ferme gérée par les religieuses de la congrégation Notre-Dame qui accueillait les Filles du Roy.
La simple entrée sur le site est grandiose! Tout d'abord, nous sommes accueillis par un jardin de plantes indigènes qui nous mène au réfectoire, ancienne demeure des religieuses qui ont quitté l'endroit il y a deux ans.
Ensuite, nous entrons dans la cour, où l'on est frappé par la splendeur de la maison, pratiquement intacte depuis son acquisition par Marguerite Bourgeois en 1662. La maison est flanquée d'une grange restaurée servant à accueillir les expositions temporaires, d'un parc d'arbre incroyablement riche et d'un jardin authentique de la Nouvelle-France.
J'ai le privilège de passer plusieurs heures aux abords de ce trésor national, notamment lors de la Journée des musées montréalais, se déroulant à la fin du mois de mai de chaque année. Vêtu de mon costume de soldat français d'époque, j'accueille les visiteurs qui découvrent le lieu. Je leur explique que cette maison a servi d'accueil aux Filles du Roy. Bien entendu, il ne faut pas cinq secondes pour que j'entende « Filles de joie! ». Je dois alors rectifier le tir. Les Filles du Roy ne sont pas des prostituées de basses mœurs, mais des orphelines éduquées pour la plupart par des religieuses. N'ayant pas de père, elles ont de la difficulté à trouver un mari puisqu’à l'époque, la coutume de la dot était de mise. Qui voudrait se marier avec une demoiselle venant sans dot?
Louis XIV, prenant le contrôle de son royaume à la mort du cardinal Mazarin en 1661, désire à ce moment transformer la colonie en colonie royale. Le Canada n'avait été jusqu'à présent qu'un partenariat public-privé entre l'État et la compagnie des Cents-Associés n'ayant eu aucun succès de peuplement.
Il nomme un intendant, Jean Talon. Ce dernier met en place un programme pour augmenter la population française en Amérique. Voyant qu'il n'y avait pas assez de femmes, Talon proposa aux colons de marier des orphelines. On les nomma Filles du Roy, puisque le roi agissait comme leur père en payant la dot afin que les habitants acceptent le mariage. Talon a même imposé une taxe aux hommes qui voulaient demeurer célibataires! Environ 800 de ces filles vinrent s'établir ici. On estime que près de 80 % de la population actuelle du Québec a un lien ancestral avec elles.
La raison qui m'amène à vous parler de la Maison Saint-Gabriel et des Filles du Roy est double. Premièrement, nous devons tirer une leçon de ce site. Il a été mis rapidement en valeur et constitue un trésor de l'histoire de Montréal. Nous possédons nous aussi des lieux semblables. Il est impératif de leur donner vie pour que nous en soyons fiers.
Deuxièmement, même si Sorel-Tracy n'a pas eu de maison d'accueil pour ces demoiselles, certaines d'entre elles sont venues s'établir dans la région après leur mariage. C'est notamment le cas de Marie-Madeleine de Chevrainville, qui épousa Joseph-Isaac Lamy en octobre 1663.
Cette année marque le 350e anniversaire de l'arrivée des Filles du Roy. Un groupe de 36 femmes, descendantes de ces filles, dont la descendante de Marie-Madeleine de Chevrainville, vont faire le voyage en bateau de Québec à Montréal du 11 au 17 août et feront escale à Sorel-Tracy du 15 au 17 août, grâce aux efforts de Louise Biron, de la Société historique Pierre-de-Saurel. Elles feront la visite guidée du Vieux-Sorel et prendront part à un 5 à 7 à la maison des Gouverneurs. Nous pouvons nous estimer chanceux de nous inscrire ainsi dans le circuit patrimonial québécois!
Visitez la page Facebook de Société historique Pierre-de-Saurel.
Patrick Péloquin, www.shps.qc.ca
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