Des Roméo et Juliette sorelois
L’amour, toujours l’amour! Le 3 février 1882, Le Sorelois informait ses lecteurs qu’un enlèvement s’était produit deux jours auparavant. À la lecture de la dépêche, on constate rapidement qu’aucun crime n’avait été commis : il s’agissait davantage d’une fuite.
Voici comment le journaliste rapporte l’événement dans un premier temps : « Un enlèvement a eu lieu ces derniers jours à Sorel. Un jeune homme et une jeune fille s'aimaient d'amour tendre depuis deux ans. Naturellement, cette longue fréquentation amena un autre désir : celui du mariage. Hélas, le père de la jeune fille n'entendait pas de cette oreille là et avertit le jeune homme d'avoir à discontinuer toute visite. Mais l'amour a des moyens ingénieux. Mardi dernier, les deux amoureux furent aperçus sur le terrain des courses. Ils paraissaient se concerter. Finalement ils disparurent et depuis nul n'a entendu parler d'eux. Nos tourtereaux ont-ils pris la route d'une autre localité, ou sont-ils cachés en ville? La police incline vers cette dernière hypothèse. La justice informe. »
Le compte rendu de l’événement se conclut toutefois sur un ajout de dernière minute, indiquant que les deux tourtereaux étaient finalement retournés au foyer paternel du jeune garçon.
On ne sait malheureusement pas si la disparition momentanée de sa fille a amené son père à de meilleurs sentiments. Disons que la conclusion du récit de nos Roméo et Juliette semble beaucoup moins dramatique que celui de William Shakespeare (enfin, s’il en est bien l’auteur!).
Par contre, cette histoire n’est pas un cas isolé, comme nous le rapporte le docteur Jean-François-Régis Latraverse. À travers ses notes sur la vie quotidienne de Sorel, nous avons retrouvé deux autres cas semblables.
En effet, toujours en 1882, la pauvre Mathilde Vadeboncoeur recevait des mauvais traitements de la part de sa mère, car cette dernière s’opposait au mariage de sa fille avec Hilaire Proulx, fils d’un boucher de Sorel. Le fiancé, devant les problèmes causés par sa future belle-mère, décide donc d’enlever sa promise le 1er septembre, à 9 h du matin exactement, puis la « met en dépôt », comme le rapporte le docteur Latraverse, chez une certaine Pierrette Cartier, qui habitait sur le Chemin de ligne. Le couple convole, finalement, en justes noces dix jours plus tard.
Près d’un an plus tard, soit le 9 octobre 1883, Charles Dufault (Latraverse l’écrit Dufaux) et une certaine demoiselle Chalifoux, les deux issus de familles de cultivateurs de Saint-Pierre-de-Sorel, se marient aussi… après avoir pris la fuite à deux reprises! Les deux amoureux avaient ainsi tenté de fuir l’opposition de la famille de la fille. Étant donné le peu de détails sur nos premiers tourtereaux, il n’est pas impossible qu’il soit en fait le couple Dufaux-Chalifoux, mais rien ne le garantit.
Les notes du docteur Latraverse sont disponibles en ligne dans la banque de données Pistard de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Il y fait la recension partielle des baptêmes, mariages et sépultures du 24 septembre 1880 au 23 décembre 1895, tout en décrivant à quelques reprises ses interventions auprès de ses médecins et en commentant, parfois en termes plutôt directs, certains de ses concitoyens. Un document précieux à consulter et à faire connaître!
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Mathieu Pontbriand, Société historique Pierre-de-Saurel, www.shps.qc.ca
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