L’accessibilité aux services, un obstacle à la guérison
Des programmes d'aide et de la prévention pour endiguer la violence domestique
Par La Presse Canadienne
Les experts en violence sexiste affirment qu’un changement personnel profond de la part des hommes — équilibré avec la protection des victimes — est essentiel pour lutter contre la violence conjugale au Canada, qualifiée d’«épidémie» dans le rapport final de la récente enquête sur la fusillade de masse de 2020 en Nouvelle-Écosse, où 22 personnes ont été tuées par un homme qui avait auparavant abusé de son épouse et d’autres femmes.
La commission d’enquête avait entendu l’année dernière Katreena Scott, psychologue clinicienne à l’Université Western, qui avait déclaré que les hommes violents peuvent être aidés avec un traitement. «Entre un tiers et deux tiers des hommes qui ont perpétré au moins un cas d’abus continuent d’éviter un comportement abusif ultérieur», a-t-elle révélé.
À la lumière de ce témoignage et d’autres qui allaient dans le même sens, la commission a recommandé que les gouvernements «accordent la priorité à la prévention… y compris les interventions auprès des auteurs des abus».
L’accessibilité aux services, un obstacle à la guérison
James Dubé, directeur de clinique de la Peoples' Counseling Clinic, a déclaré qu’il n’est pas rare que les hommes participant au programme de lutte contre la violence domestique soient également orientés vers le traitement de la clinique destiné aux hommes ayant subi des abus sexuels.
«Plusieurs fois, les gens se sont vu refuser des services qu’ils essaient désespérément d’obtenir», a-t-il expliqué.
Selon Dawn Ferris, directrice de la Cumberland County Transition House Association, basée à Amherst, en Nouvelle-Écosse, bien qu’il existe cinq centres dans la province offrant des programmes pour hommes, ceux-ci fonctionnent souvent selon un horaire de 9 h à 17 h en semaine, et ils ne sont pas disponibles dans certaines régions, ce qui les rend inaccessibles pour certains.
La directrice soutient que les programmes de prise en charge des agresseurs devraient évoluer pour qu’un homme puisse y accéder à toute heure du jour ou de la nuit s’il a besoin d’un soutien immédiat.
Des cas aussi extrêmes que celui du tireur de masse néo-écossais Gabriel Wortman, qui, selon une enquête, a été victime de violence émotionnelle dans son enfance, pourraient-ils être aidés par de tels programmes?
«Gabriel Wortman était une anomalie. Mais nous assistons à la montée d’autres anomalies… elles sont parmi nous», a déclaré Mme Ferris.
«Nous devons commencer quelque part, et nous devons commencer par être vigilants… sans jugement, pour résoudre réellement le problème dans l’espoir qu’il réduise les chances d’un futur Wortman», a-t-elle ajouté.
Nancy MacDonald, directrice d’un organisme de service à la famille dans l’est de la Nouvelle-Écosse, établi à Antigonish, a déclaré que le volume d’appels à la ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 pour les hommes, créée pendant la pandémie, a connu une «énorme croissance».
Elle a estimé que les travailleurs sociaux du personnel reçoivent désormais jusqu’à 600 appels par mois, la plupart après les heures normales de bureau, et certains d’entre eux provenant d’hommes risquant de commettre des violences domestiques.
«Ce que la ligne d’assistance téléphonique pour hommes a montré, c’est que si les services sont là, alors les gens auront le réflexe de demander l’accès aux soins», a-t-elle déclaré.
Cependant, Rick Goodwin, directeur de la clinique de psychothérapie Men and Healing à Ottawa, a souligné que les recherches suggèrent que les programmes sont plus efficaces lorsqu’ils sont liés au traitement d’abus sexuels, physiques et émotionnels antérieurs.
Il a raconté qu’en Ontario, la majorité des programmes de prévention de la violence masculine sont basés sur un modèle du Minnesota mettant l’accent sur la responsabilisation des agresseurs et sur l’enseignement de la manière dont la domination masculine dans la société amène souvent les hommes à croire qu’ils devraient contrôler et dominer les femmes.
Michael Tutton, La Presse Canadienne
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.