Une équipe de l'Université Laval
Des chercheurs québécois identifient des biomarqueurs liés aux douleurs chroniques

Par La Presse Canadienne
Deux biomarqueurs identifiés par une équipe de recherche de l’Université Laval pourraient mener à une gestion améliorée des douleurs musculosquelettiques chroniques (DMC).
L'équipe du professeur Clermont Dionne a ainsi constaté que la présence d’acrylamide et de cadmium dans l'organisme augmentait, respectivement, de 24 % et de 56 % le risque de DMC.
«On ne comprend pas vraiment ce qui cause une grande partie de ces syndromes-là», a dit M. Dionne, qui est professeur au département de médecine sociale et préventive et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval et à VITAM-Centre de recherche en santé durable.
«Ça cause beaucoup d'incapacité. Et même si les patients finissent par guérir en quelques semaines, ce sont des syndromes qui sont récurrents, alors la douleur va revenir.»
L’acrylamide et le cadmium sont des composés toxiques qu'on retrouve dans la fumée de cigarette, mais aussi dans la nourriture et dans d’autres produits auxquels nous sommes exposés quotidiennement.
Les chercheurs supposent donc que leur accumulation dans l’organisme pourrait avoir un effet sur le système nerveux et contribuer aux DMC, du moins chez une partie des personnes qui en souffrent.
Pour des raisons qu'on s'explique encore mal, les DMC sont d'ailleurs très fréquemment associées au tabagisme. En épluchant les données d'une vaste enquête américaine sur la santé et la nutrition, le professeur Clermont et ses collègues ont constaté un accroissement du risque de DMC en fonction de la consommation de tabac.
La présence d'acrylamide dans l'organisme augmentait de 26 % le risque de DMC, comparativement à 56 % pour la présence de cadmium. L'effet combiné des deux substances doublait le risque par rapport à ce qui est observé chez les non-fumeurs.
«Ces résultats suggèrent que le lien entre le tabagisme et les DMC est médié par l'acrylamide et le cadmium et que ces substances, également présentes dans les aliments et l'environnement, pourraient servir de biomarqueurs des DMC», résument ainsi les auteurs de l'étude.
Une étude antérieure avait mesuré une association statistique entre les concentrations sanguines d’acrylamide et de cadmium et les DMC au cou, aux épaules et au bas du dos dans un groupe représentatif de la population générale.
«Le tabagisme est un facteur de risque qui est connu depuis très longtemps, a dit le professeur Dionne. Les gens qui fument ont plus de douleurs, mais ceux qui fument le plus en ont aussi le plus, donc c'est un signe de causalité.»
Les données de la nouvelle étude, a dit M. Dionne, pourraient dans un premier temps mener à une évaluation moins subjective de ces douleurs. Elles pourraient aussi permettre d'évaluer l'efficacité des interventions qui sont proposées au patient. On pourrait enfin envisager des mesures pour réduire l'exposition à ces substances ou même développer des traitements pour en réduire les concentrations dans l'organisme.
En ce moment, a déploré M. Dionne, la prise en charge des DMC est «dans un cul-de-sac», et on propose trop souvent aux patients de simplement apprendre à «gérer leur douleur» – une situation qui est rendue d'autant plus complexe par le fait que, dans la majorité des cas, la cause des problèmes demeure mystérieuse.
«(L'étude) pourrait mener à une meilleure personnalisation de ces syndromes-là, a-t-il dit. Si ça nous permettait d'identifier une partie des gens qui souffrent de ces problèmes-là et de les traiter différemment parce qu'ils ont une source de problèmes différente, à ce moment-là, on pourrait faire avancer les connaissances et la prévention.»
On cherche souvent, du moins pour le moment, une explication biomécanique au problème, a ajouté le professeur Dionne, en mettant en cause certains mouvements, «mais on pourrait imaginer qu'il y a potentiellement d'autres mécanismes en cause chez certaines personnes».
«Ça change un peu le paradigme biomécanique, a-t-il souligné. Ça pourrait changer notre façon d'envisager la recherche et, éventuellement, le traitement des problématiques de douleurs musculosquelettiques chroniques.»
On estime que les DMC touchent environ 5 % de la population canadienne.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Pain.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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