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Au cours des cinq derniers mois

Baisse de 5,9 millions d'heures dans le réseau de la santé: où sont-elles coupées?

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22 septembre 2025
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Par La Presse Canadienne

Le nombre d'heures travaillées dans le réseau de la santé a diminué de 5,9 millions au cours des cinq derniers mois, selon les chiffres de Santé Québec.

Ces données, obtenues en exclusivité par La Presse Canadienne, montrent que la grande majorité de la baisse de ces heures concerne la main-d'œuvre indépendante (MOI), pour 3,7 millions d'heures. On observe aussi une diminution de 790 000 heures de temps supplémentaire obligatoire et le nombre d’heures régulières a pour sa part chuté de 1,3 million d’heures.

Cela représente des centaines de millions de dollars d'économies (293 millions $ pour les mois d'avril, mai, juin, juillet), dont la plus grande part du gâteau est attribuable au fait que le réseau est en train de se départir graduellement des agences privées en santé.

La main-d'œuvre indépendante coûte le double au réseau comparativement au personnel à temps régulier, rappelle en entrevue Sonia Dugas, vice-présidente aux finances chez Santé Québec.

La société d'État ne s'en cache pas, cette transition permet de couper certains postes, toujours en ayant en tête de ne pas empiéter sur la qualité des soins et d'améliorer l'accès pour les patients.

Depuis les cinq dernières années, Québec a injecté 75 millions d'heures, ce qui représente 48 000 personnes de plus depuis 2019. «On ne pouvait pas continuer comme ça», soutient Mme Dugas.

Les heures travaillées sont un poste de dépenses important, et cela fait partie de la stratégie de Santé Québec de les maximiser pour respecter le budget qui lui a été octroyé par le gouvernement. «Mais on ne fait pas ça au détriment d'analyser notre performance. Si chaque intervenant peut voir un usager de plus et qu'au final j'ai besoin d'un intervenant de moins dans l'équipe, et bien oui, c'est une stratégie d'abolir le poste à ce moment-là», explique Mme Dugas.

Amélioration de l'accès

En mesurant plusieurs indicateurs de performance, Santé Québec se réjouit de réussir à bonifier l'accès aux services de santé tout en réduisant le nombre d'heures travaillées dans le réseau et ultimement, les dépenses.

La société d'État indique qu'en 2024-2025, plus de 450 000 chirurgies ont été réalisées, soit le plus haut niveau atteint depuis 2018-2019 (avant la pandémie qui a engendré un retard à rattraper). De plus, 215 000 rendez-vous supplémentaires ont été obtenus avec une infirmière praticienne spécialisée (IPS) en 2024-2025 comparativement à l’année d'avant.

Sonia Dugas détaille comment Santé Québec est arrivé à ces résultats tout en diminuant le nombre d'heures travaillées dans le réseau de la santé.

D'abord, cette année, le budget a été distribué en début d'année. Donc, tous les pdg savaient dès le début quel était leur budget pour l'année complète. «Ça peut sembler banal, mais avant, il y avait 20 % de l'enveloppe [...] qui était communiqué aux établissements sous forme de lettres. [...] Ça représentait des centaines de lettres de confirmation de financement. Il y avait des gens qui traitaient ça, et juste ça, c'est des économies d'efficacité», explique-t-elle.

Auparavant, les établissements commençaient leur année financière sans trop savoir quel montant leur serait octroyé. C'est seulement en cours d'année que le montant se confirmait. «Mais ça fait qu'on gère un peu plus à l'aveugle, alors que maintenant, il y a une imputabilité parce que […] les cibles sont claires dès le début de l’année», précise Mme Dugas.

Une autre action de Santé Québec a été d'identifier dix centres d'activités à grand potentiel d'économie. La société d'État a décortiqué les 162 centres d'activités, qui sont par exemple l'administration générale avec la paperasse, la pharmacie, le bloc opératoire, etc.

Santé Québec a ensuite comparer les établissements entre eux pour voir pourquoi certains avaient un coût moindre que d’autres pour les mêmes champs d'activités. Ils ont revu l’organisation du travail, par exemple en maximisant l'utilisation du bloc opératoire.

«Entre deux chirurgies, il y a un temps qu'on appelle l'inter-cas, donc, c'est le fait de nettoyer la salle, de la repréparer pour un nouvel usager. Si j'ai réduit ce temps d'inter-cas, puis qu'au final je n'ai pas besoin d'aller en temps supplémentaire le soir parce que je suis plus efficace dans la journée, cette heure-là, elle est complètement éliminée et tout le monde y gagne», explique Mme Dugas.

TSO: transférer le problème

Les infirmières sont celles qui sont les plus touchées par les heures supplémentaires obligatoires (TSO). D'un côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec - FIQ voit positivement la diminution de cette catégorie d'heures, mais elle pointe un autre problème que cela engendre.

«C'est positif parce qu'au moins, on sait qu'on va terminer à 16 heures ou à minuit ou à 8 heures le matin. Mais on a simplement transféré le problème. Dans certains établissements, au lieu d'imposer du temps supplémentaire obligatoire, ce qui se passe, c'est qu'on procède à du non-remplacement», mentionne Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Elle donne un exemple. Si on prend un département de chirurgie avec 40 patients, normalement il y a quatre infirmières qui doivent être là de soir pour un ratio de 10 patients par infirmière. Mais parfois, au lieu d'imposer du TSO, on va faire travailler seulement trois infirmières. «Alors là, au lieu d'avoir 10 patients, ben on est rendu à peu près à 13 patients chaque», souligne Mme Bouchard.

Cela va faire en sorte que la première évaluation avec les patients va prendre plus de temps. «Et on se croise les doigts pour ne pas avoir de patients qui ont des complications ou une urgence qui arrive sur le département, parce que là, on tombe encore plus en surcharge de travail. Ça fait en sorte également que les professionnelles en soins sur le département ne prennent pas leur temps de pause, ne prennent pas leur temps de repas non plus parce qu'elles n'ont pas le temps de pouvoir faire tout ce qu'il y a à faire en ajoutant des patients comme ça parce qu'on procède au non-remplacement», décrit Mme Bouchard.

Concernant les heures de travail régulières, la FIQ attribue cela en partie à des fermetures de services. Elle cite la réduction du nombre d'heures en maternité au Bas-Saint-Laurent. Des femmes doivent alors parcourir beaucoup plus de kilomètres pour pouvoir aller donner naissance.

«On peut facilement voir que lorsqu'on fait des diminutions de lits ou encore lorsqu'on procède à une fermeture partielle ou totale d'un centre d'activités, ça fait baisser le nombre d'heures travaillées», commente Mme Bouchard.

L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) s'inquiète aussi de la baisse du nombre d'heures régulières. «Ça nous inquiète beaucoup parce que les besoins augmentent toujours. Ça veut dire aussi que ça augmente les temps d'attente, et qui dit liste d'attente dit des cas qui ne sont peut-être pas traités ou des cas qui s'aggravent sur ces listes», mentionne Robert Comeau, président de l'APTS.

Pour ce qui est d'investir l'argent au bon endroit, M. Comeau dit «surveiller de près» le déploiement du Dossier santé numérique (DSN). «Il y a énormément d'argent qui s'en va dans ça, et on voit le dépassement de coûts qui s'en vient. On voit aussi une précipitation à vouloir déployer le service alors que ce n'est pas tout à fait prêt encore. Nos gens sont hyper inquiets de ça, rapporte M. Comeau. On ne veut pas vivre un cauchemar de perte de données… ce n'est pas des permis de conduire qu'on va gérer, nous, c'est vraiment la santé des gens. Quand on a besoin de renseignements rapidement, on ne peut pas se permettre d'avoir une panne informatique.»

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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