Intimidation : le cri du cœur d’une mère
« En tant que mère monoparentale d’un jeune homme de 20 ans, je peux vous dire qu’il est miraculeux que mon fils ait terminé son secondaire et qu’il soit encore en vie. Voici notre histoire.
Lorsque mon fils Nicolas a 9 ans, je quitte Sorel-Tracy pour Montréal en raison de mon emploi. Débute alors un long parcours. Dès son arrivée, on rit de lui, on l’injure et on le menace même de mort. On veut le transpercer de coups de couteau. J’avise la direction, qui ne prend ni les menaces ni l’intimidation au sérieux.
Mon fils fait une dépression. Il parle de s’enlever la vie dans ses mots d’enfant : « Maman, j’aimerais rejoindre les anges au ciel, je n’aime plus l’école ». Je m’empresse de quitter Montréal afin qu’il retourne à l’école qu’il fréquentait. Toutefois, l’intimidation se poursuit. Une fois, un grand gaillard le bouscule. C’est la seule fois de sa vie que mon fils se bat. Le directeur m’avise qu’il n’a pas le choix de le punir, bien qu’il soit conscient qu’il ne faisait que se défendre.
Le secondaire
Son entrée au secondaire, je l’anticipe avec peur, et avec raison. On rit de lui en classe et durant ses présentations orales, qui ne devraient plus exister selon moi! On l’intimide verbalement en le traitant de « gai » ou en lui disant qu’il « pue »; physiquement, en le bousculant ou lui lançant des objets; et psychologiquement, en le prenant en photo avec des cellulaires. Des gangs le suivent partout dans l’école. Mon fils devient obsédé par la propreté. Il a toujours peur de « puer ».
Combien de fois ai-je téléphoné au directeur? Quelques élèves sont punis, mais l’intimidation continue. Pourquoi? Parce qu’elle est tolérée dans l’école. Mon fils devient ainsi celui « qu’on peut écœurer », « le con de service ». Il ne veut plus aller à l’école.
En 4e secondaire, mon fils est dépressif et très suicidaire. En tant que mère, c’est tellement difficile! À chaque jour, j’ai peur de le retrouver mort. C’est insoutenable. Mon fils souffre et pleure tellement. Il n’est plus capable de vivre sa vie et ne voit aucune solution pour s’en sortir.
L’impact terrible
Les jeunes ne se rendent pas compte du mal qu’ils font. Le pire, c’est l’isolation sociale. On ignore totalement sa présence, comme s’il n’existe pas. Tout le long de son secondaire, il n’a aucun ami. Aucun, je dis bien. Ce calvaire, il le vit seul. On ne veut pas s’afficher avec « un loser ».
Les conséquences sont énormes. Il a passé tout près du suicide. Il a de la difficulté avec les relations interpersonnelles. Il ne fait confiance à personne. Son estime de lui est faible et il a des difficultés d’affirmation de soi. Il souffre de troubles anxiodépressifs et doit prendre de la médication à cet effet. Il a dû rencontrer un psychologue et moi aussi d’ailleurs. Il le voit toujours, il en a besoin. Sur le plan scolaire, ce fut également difficile.
Quand les élèves vont sentir que leur milieu scolaire prend au sérieux ce qu'ils vivent, qu'il y a des sanctions appliquées lors de cas d'intimidation, que la sécurité et le bien-être des étudiants est une priorité, alors seulement, ils seront à l'aise de dénoncer au lieu de cacher et de subir leur triste sort. Combien de suicides faudra-t-il pour que la situation soit prise au sérieux?
Message d’espoir
Aujourd’hui, Nicolas a 20 ans. Je suis heureuse, car il est toujours en vie. Il fréquente le cégep, s’est fait quelques amis et a même une blonde. Il travaille et commence bientôt du bénévolat pour venir en aide aux autres. Il veut devenir criminologue.
Il tient aussi à partager un message avec vous : « Si tu vis de l’intimidation, que tu ne veux plus vivre, que tu crois que c’est sans espoir, malgré tout : persiste! Ne lâche pas. La vie en vaut la peine. Je suis heureux maintenant. Tu le seras aussi un jour. »
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