Hydrocarbures : des projets incohérents et insuffisants

Par Sébastien Lacroix
Le projet de loi sur l’imposition d’un moratoire sur le gaz de schiste et l’éventuel Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection sont « incohérents » et « insuffisants pour assurer la protection de l’eau potable » concluent un groupe de scientifiques qui s’est penchés sur la question.
C’est ce qui ressort d’une analyse préliminaire de ces deux politiques publiques concernant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures au Québec dont le Sorel-Tracy Expess.ca a obtenu copie.
Ce groupe est composé de Marc Brullemans, biophysicien, Marc Durand, ingénieur-géologue, Richard E. Langelier, juriste et sociologue, Céline Marier, biologiste et Chantal Savaria, ingénieure-géologue et spécialiste en hydrogéologie des contaminants.
À l’instar du Regroupement interrégional gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent (RIGSVL), ils ne comprennent pas pourquoi le projet de moratoire ne couvre qu’une partie du territoire du Québec, alors que les activités seraient encore permises dans les régions comme la Beauce, l'Estrie, et le Saguenay - Lac St-Jean.
Ils soulèvent également le fait que les politiques ne viseraient qu’une seule variété d’hydrocarbure, alors que l’exploitation du pétrole de schiste n’a toujours pas été encadrée même si la technique de fracturation est la même et produira donc les mêmes conséquences sur l’environnement.
Un règlement insuffisantLes distances séparatrices prévues dans le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection ne sont pas suffisantes selon le groupe de scientifiques.
La politique vise l’interdiction d’aménager une installation ou des infrastructures à la recherche ou à l’exploitation de pétrole, gaz naturel, saumure ou un réservoir souterrain à moins de 300 mètres d’un site de prélèvement d’eau effectué à des fins de consommation humaine ou de transformation alimentaire.
Cette norme est bien loin des distances incluses dans le règlement dit de Saint-Bonaventure qui a déjà reçu l’aval d’une soixantaine de municipalités, dont quelques-unes dans la région, et qui est défendu par les experts qui ont procédé à l’analyse.
Ceux-ci croient qu’il faut, au minimum, des distances de deux kilomètres pour des puits qui alimentent vingt personnes ou moins, six kilomètres pour des puits municipaux ou des puits qui alimentent plus de vingt personnes et dix kilomètres pour le captage des eaux de surface, dans un cours d’eau.
La distance verticale de 400 mètres comprise entre le puits et le bas de la nappe phréatique est elle aussi largement insuffisante. « Elle ne correspond même pas à la distance généralement respectée par l’industrie (1000 mètres) », peut-on lire dans l’analyse.
De plus, l’absence d’une liste de produits autorisés, ou non-autorisés, dans le projet de Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, sème de nombreux doutes sur les intentions du gouvernement.
Les intérêts des pétrolières d’abordLe groupe de scientifiques estiment en outre que ces politiques publiques desservent les intérêts des pétrolières d’abord et portent atteinte aux compétences des municipalités et des communautés locales.
L’analyse conclut que le projet de règlement est conçu pour autoriser les projets en cours des sociétés gazières et pétrolières, à Anticosti et à Gaspé, peu importe les conséquences qui en résulteront vraisemblablement pour les sources d’eau potable.
En accordant un très court délai aux personnes intéressées pour réagir à ce projet de règlement, le gouvernement ne permet pas véritablement aux élus municipaux de participer pleinement au processus de consultation, constatent les experts.
Un recul pour les communautés localesLe groupe de scientifiques conclut que le projet ne permet pas de respecter le consensus à l’effet qu’aucun développement ne saurait être possible sans le respect de l’intégrité des sources d’eau potable.
Le projet constitue même un recul pour les communautés locales, selon l’analyse préliminaire. « Elles se voient amputées de toute possibilité de préserver leur source d’eau en échange de règles confuses, conçues dans l’improvisation la plus totale, et clairement insuffisantes pour nous permettre de protéger les sources d’eau », conclut le groupe de scientifiques.
Celui-ci produira prochainement une analyse détaillée de toutes les dispositions de ces politiques publiques et suggérera des amendements au projet de règlement pour protéger adéquatement les sources d’eau.
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